*41 Tous les matins du monde

Tous les matins du monde: Annexe (édition de luxe)

Postface du traducteur

(Traduction par Déborah Pierret Watanabe)

 

Tous les matins du monde (Gallimard, 1991) de Pascal Quignard, fait l’objet d’une nouvelle publication chez Kajikasha, maison d’édition limitée au Kyushu et dont le siège se situe à Kumamoto. Je vais d’abord vous expliquer comment nous avons pu en arriver là.

La première traduction de cette œuvre est parue chez Hayakawa Publishing en 1992 sous le titre Meguriau asa. Comme le projet avait été de s’associer au film réalisé par Alain Corneau, le titre du livre avait été choisi en fonction de celui du film sorti au Japon.

Vingt-cinq années se sont écoulées depuis. Je me permets ici d’exprimer mon émotion, car jamais je n’aurais osé imaginer, pas même en rêve, qu’une œuvre de ce genre puisse à nouveau être publiée.

Il était fondamentalement impossible que le roman, destiné à être le scénario d’un film, puisse paraître une nouvelle fois, alors même que le film ne faisait pas l’objet de nouvelles projections.

Ce qui permit de rendre cet impossible possible fut la détermination de Yô Kaji, représentant de Kajikasha. Tout comme elle avait d’ailleurs permis la nouvelle publication du Voyage d’Hector ou la recherche du bonheur de François Lelord, fin 2015.

En mars 2016, après la sortie du Voyage d’Hector, Yô Kaji m’a invité à venir lui rendre visite dans le Kyushu. Je suis allé à Kumamoto, Hakata, ou encore Hita pour participer à des rencontres littéraires dans le cadre de la promotion du livre. Malheureusement, le 14 du mois suivant, la terre de Kumamoto a été ébranlée par un violent séisme. C’était plus fort que moi, il fallait que j’y retourne.

J’ignore à quel moment, mais, au cours d’une de nos discussions, Yô Kaji et moi-même avons eu l’idée de proposer Tous les matins du monde en tant que nouveau projet de publication chez Kajikasha.

À mes yeux, ce roman représentait le souvenir du début de ma relation avec l’auteur. Mais il était également ma pierre d’achoppement. Même la postface que j’avais rédigée pour la première publication ne me plaisait pas.

Je crois bien m’être laissé emporter et avoir fini par m’éloigner du chemin du devoir du traducteur, cet homme de l’ombre. Je n’ai pu, pendant de longues années, réussir à relire cette traduction.

Néanmoins, l’impression de Yô Kaji était tout autre. Il m’a confié que c’était justement grâce à cette traduction et à ma postface qu’il avait pu être entrainé dans le monde littéraire de Quignard.

J’étais stupéfait. Il m’a dit vouloir conserver le texte que j’avais écrit il y a vingt-cinq années de cela alors que je n’étais encore qu’un quadragénaire. L’idée que ce texte puisse à nouveau être révélé au grand jour, moi qui l’avais enfermé au grenier sans jamais oser y reposer les yeux dessus, me paraissait effrayante.

Les textes que j’ai écrits et qui ont été publiés ne m’appartiennent plus, ai-je cependant songé. Si l’un d’entre eux continue de vivre dans le cœur de quelqu’un, alors je n’ai pas d’autres choix que de me résigner.

J’ai donc à nouveau traduit cette œuvre et décidé de conserver la postface de la première publication. En revanche, j’ai coupé et abandonné les parties qui avaient vieilli et n’avaient désormais plus de sens pour ne laisser que celles indispensables à la lecture de ce livre. J’ai également profité de cette nouvelle édition pour insérer d’autres citations ainsi que de nouvelles anecdotes.

 

*

 

« J’ai lu l’histoire de monsieur de Sainte Colombe tout en ayant l’image de mon grand-père à l’esprit », avais-je impudemment écrit lors de la première postface. Il y avait une raison à cela. Je n’avais aucune envie de limiter les lecteurs de ce livre qui a pour cadre le lointain XVIIe siècle aux étudiants de Lettres et à leur entourage. Je voulais en faire un livre également ouvert à toutes les personnes sans lien particulier avec l’histoire ou la littérature qui étaient venues voir le film. Mais en réalité, ce n’était pas seulement cela.

Avec la ferme intention de lui faire rencontrer au Japon le succès que cette œuvre avait connu ailleurs, je me suis envolé pour Paris au début de l’été 1992. Je suis allé rendre visite à l’auteur — qui était alors encore en poste chez Gallimard — en emportant avec moi une petite photo encadrée de mon défunt grand-père. Je ne me rappelle plus vraiment comment nous en sommes arrivés à avoir cette discussion, mais toujours est-il que j’ai fini par lui montrer la photo.

— Mon grand-père est mort sans rien laisser derrière lui, lui ai-je dit.

Ce à quoi il a répondu :

— C’est faux. Ne t’a-t-il pas laissé, toi ?

Nos mots, tout comme lors du dernier échange entre Marin Marais et Sainte Colombe, n’avaient fait que se croiser. Cependant, à ce moment, il y eut comme une sorte de communion entre nous (du moins, c’est ce que je crois.)

Mon grand-père est décédé au cours de la dernière année de mes études universitaires. Il avait 84 ans. Allongé sur son lit de mort, il a trempé ses lèvres dans un petit bol d’alcool puis il a quitté notre monde. Je n’ai pas assisté à sa mort, mais je me suis rendu à ses funérailles. J’ai toujours pensé que ça avait été une mort parfaite. J’ai écrit ceci dans la première postface : « Il élevait chevaux, porcs, moutons, poulets, et tout comme monsieur de Sainte Colombe, il vivait dans une petite cabane dans la cour dans laquelle il avait installé son lit, et ce, même s’il avait sa chambre dans la maison. Lorsque j’étais enfant, j’aimais dormir avec lui dans ce lit de fortune. Je me souviens, même encore maintenant, du vert délavé des rigides draps de chanvre et de la fenêtre aux vitres givrées ».

Les funérailles de mon grand-père se sont achevées, une nouvelle année est arrivée, et je suis rentré à Tokyo. Le moment d’être diplômé était venu, mais je m’interrogeais toujours sur la façon d’établir un point de contact avec la société. J’étais incapable de me projeter dans l’avenir. De plus, je n’avais ni le désir ni la volonté de rester à l’université. Un jour de janvier, alors que la nuit était déjà bien avancée, un ami est venu me rendre visite, avec, comme à son habitude, une bouteille de whisky bon marché à la main. Lui non plus n’arrivait pas à se projeter dans l’avenir. Mais sa visite n’avait pas été motivée par le besoin de parler du futur. Plutôt pour débattre de littérature. Dostoïevski, Kierkegaard, Pascal… Oui, la flamme de l’existentialisme n’était pas encore tout à fait éteinte. Parmi les hommes de lettres japonais, mon ami avait une préférence pour Hideo Kobayashi et Shun Akiyama.

Je me suis endormi le premier. Quand j’ai ouvert les yeux, au point du jour, il avait disparu. Un ou deux mois plus tard, j’ai reçu un faire-part de décès. Son corps sans vie avait été retrouvé sur les quais de Shinagawa. Il s’était noyé.

C’était un garçon originaire de Fukushima. Je fus le seul de notre promotion à me rendre à ses obsèques. Son père, maître du cortège funéraire, fit une déclaration : « On pourrait penser qu’un fils qui part avant ses parents est ingrat, mais je ne suis pas de cet avis. » À cet instant, un sentiment mystérieux et féroce, à la fois colère, à la fois tristesse, envahit tout mon être. Je le réprimai de toutes mes forces. Le lendemain, son père a eu la gentillesse de me faire visiter Fukushima en voiture. J’ai alors pensé que je devais trouver un travail, peu importe où.

Ces deux morts auxquelles j’ai été confronté avant même d’être entré dans le monde ont par la suite régné sur ma vie. Ce que j’avais voulu transmettre à P. Quignard ne concernait peut-être pas mon grand-père. Peut-être que cela concernait mon défunt ami.

 

*

 

Ce roman regorge des regrets envers les petites choses qui ne sont que des détails ou des anecdotes si on les regarde du point de vue du courant de la grande Histoire. Le choix du musicien Sainte Colombe en tant que personnage principal est déjà révélateur. Ce nom n’évoque absolument rien aux non-connaisseurs de musique baroque. Même ses dates de naissance et de décès demeurent floues, on sait simplement qu’il est mort vers 1700. Ou encore cet instrument de musique, la viole de gambe, qui a connu son heure de gloire sous le règne de Louis XIV pour ensuite tomber dans l’oubli. L’abbaye de Port-Royal dans la vallée de Chevreuse, siège des jansénistes également appelés les Solitaires, rasée par la poudre sur ordre de Louis XIV ; les petites écoles rue Saint-Dominique d’enfer à Paris ; les gaufrettes de Baugin, peintre que l’on peut qualifier d’anonyme comparé à Poussin ou à Champaigne de la même époque… Tous les personnages de ce roman sont des Solitaires. Les solitaires éternels de l’Histoire. Mais face au courant de la grande Histoire, je ne peux s’empêcher de penser que tout le monde l’est plus ou moins.

Le problème est la houle de cette grande Histoire, la houle qui a englouti tous les solitaires. Depuis le Moyen Âge jusqu’à la Renaissance, de la naissance du baroque à sa fin. Cette houle coule en arrière-plan du roman. Il ne fait aucun doute que le baroque, tout en étant illuminé par la splendeur de la Renaissance, regorgeait des souvenirs sombres et envoûtants du Moyen Âge. Au chapitre IX de La Sorcière, intitulé « Satan triomphe au XVIIe siècle », Michelet écrit ceci :

 

Plus sa surface, ses couches supérieures, furent civilisées, éclairées, inondées de lumière, plus hermétiquement se ferma au-dessous la vaste région du monde ecclésiastique, du couvent, des femmes crédules, maladives et prêtes à tout croire.

 

Les propos de Michelet décrivent bien les deux tendances contradictoires inhérentes au baroque : celle qui aspire à un espace plus grand et plus ouvert, et celle qui prétend à un espace plus fermé et intime. D’un côté, nous avons l’Opéra qui s’est développé en Italie, la majestueuse Passion selon Saint-Mathieu de Jean-Sébastien Bach, la splendide musique de cour de Lully, et de l’autre des pièces instrumentales diverses et variées qui cherchent à imiter les inflexions de la voix humaine ou encore la tiédeur de la peau. De même, nous avons l’architecture baroque de Rome qui use et abuse de la perspective à un point tel que l’espace ou encore les peintures sur plafond sont pareilles à des dinosaures colossaux, mais aussi les natures mortes d’Espagne ou les scènes d’intérieur du Hollandais Vermeer, la lueur froide des chandelles de Georges de La Tour. Tous partagent comme point commun une atmosphère de densité de la matière.

De même, la politique d’expansion des cartes du royaume, à mettre en parallèle avec la politique d’évangélisation des jésuites à un niveau mondial ou encore la vulgarisation de la religion contrastaient voire même s’opposaient au rigorisme et à l’élitisme des jansénistes. Si je devais m’exprimer à la manière de Michelet, je serais tenté de dire qu’il y avait là une sorte d’ambivalence, un conflit entre l’ivresse et l’angoisse envers l’appel de Satan au nom de la rationalité.

Il vaudrait tout de même mieux se pencher plus sérieusement sur la période du XVIIe siècle en France. Louis XIV accéda au trône en 1643, mais son règne ne débuta qu’en 1661, date à laquelle le cours de l’Histoire a basculé. Dans son Histoire de la Civilisation française, écrite avec la collaboration de Georges Duby, Robert Mandrou estime que la période entre 1600 et 1660 est celle où la France moderne s’est « faite » et la désigne sous le terme « adolescence » :

 

Cette adolescence est terriblement conquérante, au milieu des drames sociaux et religieux qu’elle a vécus et qui sont sa crise de croissance. À tous égards, c’est le XVIIe siècle le plus riche, le plus vivant.

 

Le roman débute en 1650 à la mort de l’épouse de monsieur de Sainte Colombe. En d’autres termes, l’histoire commence à la fin annoncée de l’adolescence de la France. De plus, il ne fait aucun doute que l’auteur fait un parallèle entre la mort de la femme du musicien et la fin proche du baroque.

Pourquoi monsieur de sainte Colombe refusait-il d’aller à Versailles avec tant d’entêtement ?

Dans l’imagination de l’auteur, le musicien était le condisciple de Claude Lancelot, corédacteur de la révolutionnaire Grammaire générale et raisonnée avec A. Arnauld, leader de Port-Royal. Cependant, si on lit attentivement l’œuvre, il n’est à aucun moment décrit comme un janséniste fanatique. Il est simplement suggéré que ses relations se limitent aux lieux éloignés du pouvoir, comme le poète Vauquelin des Yveteaux (1567-1649) qui avait perdu les faveurs du roi louis XIII à cause de sa nature libertine ou encore Baugin (1612-1663), simple artiste appartenant à la corporation des peintres parisiens. Madeleine, quant à elle, connut une période de fanatisme causée par son chagrin d’amour, mais refusa d’entrer au couvent. Père et fille sont isolés. Ils se referment volontairement sur eux-mêmes. Peu importe l’époque, lorsque le courant de l’Histoire vire brutalement, il y a ceux qui opposent une violente résistance au point d’en être imprudents et ceux qui s’obstinent à se renfermer sur eux-mêmes. Cette époque, cette obstination, ce rigorisme m’évoquent nécessairement Blaise Pascal.

En novembre 1654, à l’âge de 31 ans, Blaise Pascal éprouva une expérience mystique à cause de laquelle il abandonna tous les travaux scientifiques qu’il avait réalisés jusqu’alors pour entrer à Port-Royal. Cette nuit de novembre, il coucha sur un parchemin un texte intitulé Mémorial dans lequel il parle d’une « une renonciation totale et douce ». Blaise Pascal prit ensuite faits et causes pour Arnauld — auteur de De la fréquente communion, au cœur d’un débat lancés par les Jésuites et la Sorbonne —, devint une figure de la défense des jansénistes, et commença à rédiger les Provinciales, une série de lettres de protestations. Ses attaques vont finir par se diriger vers Descartes et son travail, qu’il qualifiera même d’« inutile et incertain ».

Qu’a t-il bien pu arriver à Pascal ? Ce n’est pas le lieu approprié pour en débattre et je n’en ai pas les compétences. Mais il me semble important d’ajouter que les jésuites et la Sorbonne n’ont cessé d’intensifier leurs attaques envers l’école cartésienne après le décès de Descartes en 1650, lui qui disait répugner à déranger l’opinion publique. C’était une époque où, au nom de la France et de la monarchie des Bourbons, tout était unifié et destiné à être intégré. Ce fut la même chose pour le courant des Beaux-Arts en Europe, de David à Delacroix, de Haydn et Mozart à Beethoven, du Classicisme au Romantisme. Les grandes vagues ont englouti les petites. Les grandioses peintures historiques et symphonies sont pareilles aux armées puissantes des états modernes. Elles mobilisent toutes les sensibilités et les écrasent. Du point de vue de la formation de cet état moderne, à la fois nationaliste et industrialiste, les époques qui ont suivies, de Louis XIV à Robespierre jusqu’à Napoléon, sont des plus cohérentes, et la Révolution française n’a finalement été qu’un feu d’artifice parmi les grandes émeutes. Les innombrables petits matins qui gardaient encore le goût envoûtant du Moyen Âge, les matins que les libertins et les cosmopolites ont admirés lors de leurs voyages, ont été anéantis par la sirène du puissant état. Ce n’est sûrement pas qu’une vieille légende limitée à l’Europe.

La période baroque comportait en son sein des contradictions à jamais inconciliables.

Près de trois siècles s’étaient écoulées depuis Descartes et Pascal, quand Paul Valéry railla ce dernier à propos d’un extrait de ses Pensées : « le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie », écrivant qu’il lui faisait songer à « cet aboi insupportable qu’adressent les chiens à la lune ». Face à l’infinité de l’univers, ressent-on l’ivresse ? Ou au contraire, se sent-on effrayé, prend-on conscience de notre qualité de pécheur ? Tout cela me paraît être, même encore maintenant, une opposition fondamentale entre la sensibilité et ce que doit être la pensée.

On peut également citer Matisse à titre d’exemple. Il détestait le baroque, a déclaré que « Vélasquez n’était pas son peintre » et aimait parler de l’affection qu’il portait à Goya. Matisse qui préférait peindre le coin d’une pièce. Cet espace qui ne s’étend nulle part. Juste l’apaisement des couleurs authentiques. Question mystère, les peintures de Baugin ne sont pas en reste non plus. La composition de ses tableaux suggère le caractère éphémère des plaisirs d’ici-bas. Mais pourquoi avoir choisi de peindre des coins de table ? Et monsieur de Sainte Colombe, à la recherche des inflexions délicates de la voix humaine, tentant de faire venir des airs mélancoliques, des airs de regrets sous ses doigts…

Il y a là un chemin extrêmement étroit par lequel passe la beauté pour atteindre le monde des prières. Pascal Quignard a fait dire au peintre Baugin : « Personnellement je cherche la route qui mène jusqu’aux feux mystérieux. » Ces mots sont aussi ceux de l’auteur amateur de Georges de la Tour.

(Extrait du posteface du traducteur dans la première publication de la version japonaise.)

 

*

 

Pascal Quignard, écrivain français ne cesse de réfléchir à l’essence de la musique, a écrit dans la Haine de la musique (Calmann-Levy, 1996) :

 

Les dieux ne se voient pas, mais s’entendent : dans le tonnerre, dans le torrent, dans la nuée, dans la mer. Ils sont comme des voix. L’arc est doué d’une forme de parole, dans la distance, l’invisibilité et l’air. La voix est d’abord celle de la corde qui vibre avant que l’instrument soit divisé et instrumenté en musique, en chasse, en guerre.

 

Dans Tous les matins du monde, Pascal Quignard a réécrit l’histoire de Semimaru du Konjaku monogatari, pour la situer en France, au Moyen Âge. Et pour moi, Japonaise, ce fut une expérience très intéressante. Je suis allée voir le film en compagnie de Bernard Frank, traducteur français des Histoires qui sont maintenant du passé, tirées du Konjaku monogatari. C’est à ce moment que Bernard me fit remarquer d’un air heureux que les deux histoires étaient similaires. Une fois rentrés, je me suis empressée de vérifier ses dires, et effectivement, l’histoire du film était similaire à celle de Semimaru.

«La magie des sons » extrait du dernier recueil d’essais de Yuko Tsushima.

 

*

 

Bach a échoué. Il a été oublié pendant un long moment. La musique n’a pas avancé dans sa direction. Si, à l’heure actuelle, tout le monde cherche à trouver de nouvelles significations à sa musique, c’est parce que la musique est sur le point de changer. La musique est abstraite, et en allant trop loin dans une direction, il arrive qu’elle finisse par être coupée de l’ensemble. La musique européenne s’est développée à l’extrême, le moment de changer de direction est venu. Le style s’adapte à l’époque, mais ce qui est encore vivant se trouve sous le style. C’est la qualité, c’est l’attitude.

«Bach a échoué » extrait du recueil d’essais de Yuji Takahashi, musicien.

 

*

 

Un quart de siècle s’est écoulé. Cela peut paraître bien long, mais c’est comme si c’était hier. Pascal Quignard qui a écrit dans ses Petits traités I : « J’écris : 1. J’ai envie de me taire » a parlé un peu de lui à diverses occasions. En voici quelques extraits.

 

 — Où avez-vous fait vos études universitaires ?

 — J’ai fait mes études universitaires à l’université de Nanterre. J’ai commencé la rédaction, sous la direction d’Emmanuel Levinas, d’une thèse qu’il avait lui-même intitulée « Le statut du langage dans la pensée de Henri Bergson. »

— Avez-vous achevé ce travail avec Emmanuel Levinas ?

— Je n’y ai même pas pensé.

— L’avez-vous commencé ?

— Même pas. Le lien que j’avais avec Emmanuel Levinas était plus profond que ce travail. Les mois de mars, avril, mai, juin 1968 ont balayé d’un coup ce désir d’enseignement. Je m’étais résolu à reprendre l’orgue familial d’Ancenis, où une de mes grand-tantes venait de mourir.

Pascal Quignard le solitaire, Rencontre avec Chantal Lapeyre-Desmaison, Éd. Flohic, 2001

 

Mai 68 lui a infligé une profonde blessure. Après son départ pour Paris, il a fini par brûler plus de mille de ses sculptures composées de divers matériaux : tissus, bois, canevas, papier kraft, verre, et sur lesquelles il avait écrit. Et ce n’est pas tout : il a non seulement brûlé les petits morceaux pour trio ou les sonates qu’il avait composés devant l’orgue ou le piano à Ancenis, mais aussi les carnets de notes qui contenaient les petites histoires ou encore les confessions qu’il avait écrites dans cette maison.

Puis il s’est à nouveau tourné vers l’orgue de l’église d’Ancenis. Il était à l’orgue tous les matins et consacrait ses après-midis à écrire un essai sur l’amour d’après une œuvre de Maurice Scève. Une fois son manuscrit achevé, il l’a envoyé à Gallimard sans l’adresser à personne en particulier. Son essai a attiré l’œil de Louis-René des Forêts, membre du comité de lecture de cette maison d’édition. Louis-René des Forêts fit revenir Quignard à Paris et lui proposa un poste de lecteur, lui qui n’était encore qu’un jeune homme d’une vingtaine d’années. Il le présenta aux membres de la revue Ephémère qu’il dirigeait. De nombreux écrivains et poètes y apportaient leur contribution : Michel Leiris, Paul Celan, André Du Bouchet, Yves Bonnefoy, Henri Michaux ou encore Pierre Klossowski. Est-ce que cela signifie que ses premiers pas d’écrivain se firent sous le signe de la bénédiction ? J’aimerais que vous lisiez cet extrait pour continuer.

 

Le mouvement de mai fut balayé en quelques heures. Le général de Gaulle, après avoir pris conseil auprès du général Massu, fit élire l’Assemblée la plus réactionnaire depuis le maréchal Pétain. Marcellin était à la Police. Messmer à la Guerre. Les bombes atomiques françaises explosaient à Mururoa.

Nos dieux se mirent brusquement à mourir.

Celan se suicida : ce fut Sarah qui me l’apprit postée dans l’encadrement de la porte de l’appartement d’André du Bouchet.

Rothko se suicida : ce fut Raquel qui me l’apprit dans l’atelier de Malakoff.

(…)

Dans la forêt aventureuse je ne trouvai pas de fontaine, de clairière, de cerf blanc, de charrette, de lance, de reine : mais une dépression, une dépression, une dépression, une dépression.

Écrits de l’éphémère, Galilée, 2005.

 

Selon Quignard, ce fut la fin de la France d’après-guerre. On retrouve ici le regard qui veille sur le XVIIe siècle, tout comme celui qui observe l’Empire de Rome.

Et vingt-quatre ans plus tard, en 1994, il démissionna sans crier gare de son poste de lecteur qu’il avait longtemps occupé chez Gallimard. Il rompit également les liens avec sa famille. Un peu comme si, à la fin du compte, il avait fini par tout brûler.

 

L’idée de ne rien laisser après soi m’habite vraiment — même si c’est directement contradictoire avec le fait de publier des livres. Partir aussi nu qu’à l’instant de l’arrivée, c’est un rêve. (…) Manuscrits, lettres, photographies, livres, partitions, dessins, articles, tout s’y enflamme du jour au lendemain tout à trac. C’est si beau quand c’est vous qui brûlez. Remy dit à Clovis : Incende quod adorasti. Cet ordre est si étrange. L’évêque dit au premier roi de France : Brûle ce que tu aimes.

Pascal Quignard le solitaire, Rencontre avec Chantal Lapeyre-Desmaison, Éd. Flohic, 2001

 

 

En octobre de l’année dernière, je lui ai rendu visite dans son appartement rue Manin, à Paris. Lorsque j’ai pénétré dans son bureau-bibliothèque, mon regard a été attiré par les partitions posées sur le pupitre du clavier. Messiaen, Beethoven, Oiseaux furent les quelques mots que je pus saisir.

— C’est quoi, ça ? lui ai-je alors demandé.

— Je mixe deux musiques ensemble.

— Messiaen et Beethoven ?

— Oui.

Dans les affaires laissées par mon défunt ami de Fukushima, il y avait un carton rempli de disques. Et parmi eux, un album de Messiaen. Le Quatuor pour la Fin du temps. Je l’avais emporté avec moi. Quarante ans après, je n’avais toujours pas posé l’aiguille du tourne-disque dessus.

Au moment de nous séparer, je lui ai dit :

—J’ai perdu de nombreux amis. C’est pour cette raison que je me dois de survivre.

— C’est la même chose pour moi, m’a-t-il répondu.

Un tableau peint par son ami était suspendu dans le hall d’entrée.

 

Voici la liste des livres de Pascal Quignard traduits en japonais :

Tous les matins du monde, Gallimard, 1991

La leçon de musique, Hachette, 1987

Le salon du Wurtemberg, Gallimard, 1986

Les escaliers de Chambord, Gallimard, 1989

Albucius, POL, 1990

L’occupation Américaine, Éditions du Seuil, 1994

La Haine de la musique, Calmann-Levy, 1996 ; Folio, 1997

Le Nom sur le bout de la langue, POL, 1993

La Frontière, Chandeigne, 1992 ; Folio-Gallimard, 1994

Les Tablettes de buis d’Apronenia Avitia, Gallimard, 1984

Terrasse à Rome, Gallimard, 2000

Les Ombres errantes, Grasset, 2002

Villa Amalia, Gallimard, 2006

Vie secrète, Gallimard, 1997 ; Folio-Gallimard, 1999

Sur le jadis, Grasset, 2002

Les Solidarités mystérieuses, Gallimard, 2011

 

J’aimerais, pour conclure, exprimer ma profonde gratitude envers Yô Kaji des éditions Kajikasha, grâce à qui ce livre a pu voir le jour. Je tiens également à dédier la traduction de cette œuvre à toutes les personnes victimes de ce grand tremblement de terre, et à tous les habitants de Kumamoto qui ont miraculeusement su se relever.

 

Kei Takahashi, janvier 2017

Traduction : Déborah Pierret Watanabe

*40 世界のすべての朝は

『世界のすべての朝は』本文・表紙(特装版)

(訳者あとがき)

 

このほど、熊本を本拠地とする「九州限定」の出版社「伽鹿舎」から、パスカル・キニャールの『世界のすべての朝は』(Tous les matin du monde, Gallimard, 1991)が復刊されることになった。まずはここに至った経緯から説明させていただくことにする。

初版は一九九二年、早川書房から『めぐり逢う朝』という邦題のもとに出版された。アラン・コルノーの映画とタイアップした企画だったので、小説の邦題も映画に合わせたのである。

それから二十五年が経過した。個人的な感慨を述べさせていただくなら、この種の作品が再版されることなど、夢にも思わなかった。映画の原作として書かれた小説が、映画の劇場再演という機会が訪れたわけでもないのに復刊されることなど、基本的にはありえないからである。

こんな不可能事が可能になった理由は、伽鹿舎から一昨年(二〇一五年)暮れに復刊された『幸福はどこにある』(フランソワ・ルロール著、拙訳)の場合と同様、この出版社の代表である加地葉さんの決断があったからと言うほかない。

『幸福はどこにある』が刊行され、翌年の三月末に加地さんの招きで九州を訪れ、本のプロモーションの一環として、熊本、博多、日田でトークショーを行った。だがあろうことか、その翌月の十二日にあの大地震が熊本の地を襲った。私は居ても立ってもいられず、また熊本の地を訪れた。

この間のいつの時点だったか、伽鹿舎から出す次の本の企画として、加地さんと私のあいだでパスカル・キニャールのこの作品が候補に挙がった。

この小説はパスカル・キニャールとの交流が始まった記念すべき作品であると同時に、私の躓きの石でもあった。初版の訳もあとがきも気に入らなかった。あまりにのぼせ上がりすぎているし、黒子であるべき訳者の本分を踏み外している。私は長い間、この翻訳を読み直すことができないでいた。

しかし、加地葉さんの感想は違った。この翻訳とあとがきがあったからこそ、自分はキニャールの文学世界に引き込まれたのだ、と。

私は唖然とした。もう二十五年も前に、そう、自分がまだ四十代だったころに書いた文章を、加地さんはなんらかの形で残したいという。自分が倉のなかにしまい込んで、見ようともしなかったものが白日の下にさらされるのは恐ろしいことである。

私は思った。自分が書いて発表してしまった文章は、もう自分のものではない。それが他人の心のなかで生きつづけているのだとしたら、もう観念するしかない。

というわけで、訳を新たにしたうえで、初版のあとがきも再録することにした。あれから二十五年、古びて無意味になった部分は削ぎ落とし、本書を読むうえで必要な部分だけを残し、あるいは復刊の機会に引用しておきたい文章や新たなエピソードなども追加しておこうと思う。

 

 

「私は自分の祖父のことを想い浮かべながら、このサント・コロンブ物語を読んでいた」と、私は初版のあとがきに臆面もなく書いた。それには理由があった。フランスの十七世紀という古い時代を背景とするこの作品を大学の文学部とその周辺に閉じ込めておきたくなかったし、文学や歴史とは関係なしに映画を観にくる人たちにも開かれた本にしたかったからだ。しかし、実際はただそれだけのことではなかった。

この本を日本でも成功させたいという強い思いを抱いて、九二年の初夏にパリに飛び、まだガリマール社の専属顧問のような職についていたキニャールのもとを訪れたとき、私は小さな額に入れた祖父の写真を持っていったのである。もう会話の細かい前後関係は忘れた。私は彼に写真を見せ、こう言った。

「自分の祖父は何も残さずに死んでいった」

すると彼はこう答えた。

「いや、おまえを残したではないか」

まるでサント・コロンブとマラン・マレが最後に交わす禅問答のようで、言葉がすれ違っている。しかし、このときわれわれのあいだで何かが通い合ったのである(少なくとも私はそう信じている)。

私の祖父は、私の学生時代の最後の年に死んだ。享年八十四歳。死の床で小さな盃一杯の酒で唇を濡らしてこの世を去った。私は死に目には会えなかったが、葬式には出た。完璧な死だと思った。私は初版のあとがきにこう書いた。「馬、豚、羊、鶏を飼い、サント・コロンブと同じように裏庭に小屋を建て、母屋に自分の寝室があるにもかかわらず、そこにベッドをしつらえ、そこに寝起きしていた。子供のころ、私は祖父といっしょにその粗末なベッドに寝るのが好きだった。その色あせたグリーンのごわごわとした麻のシーツと凍りついたガラス窓を私は今でもよく憶えている」。

祖父の葬儀が終わり、年が明け、私は東京に戻った。大学を卒業する時期にきていたが、どこに社会との接点を見出せばいいのか、まったく先が見えなくなっていた。大学に残る意欲も気力もなかった。一月のある日、夜も更けてから、ひとりの友がやってきた。いつものように安ウィスキーのボトルを一本ぶらさげて。彼も先行きが見えなくなっていた。しかし、将来の話をしに来たのではなかった。あいかわらずの文学談義。ドストエフスキー、キルケゴール、パスカル・・・・・・。そう、実存主義の火はかろうじてまだ消えていなかった。日本の文学者で言えば小林秀雄と秋山駿、それが彼のお気に入りだった。

私は先に寝てしまった。明け方、目が覚めると、彼の姿はなかった。一ヵ月か二ヵ月が経ったころ、訃報が届いた。品川埠頭で水死体が発見された。

福島の男だった。同級で葬儀に出席したのは私だけだった。喪主のお父さんが挨拶した。「親に先立つ不孝と言いますが、私はそうは思いません」。そのとき私の内部で怒りのような、悲しみのような、得体の知れない獰猛な感情が全身にみなぎった。私はその感情を渾身の力を込めて抑えこんだ。翌日、お父さんは車に私を乗せ、福島の名所を案内してくれた。どこでもいいから就職しようと思った。

世の中に出る直前に遭遇したこの二つの死が、その後の私の人生を支配することになった。私はパスカル・キニャールに祖父のことではなく、この友のことを伝えたかったのかもしれない。

 

 

この小説は、大きな歴史の流れから見ればまさにディテイルやエピソードにすぎないものにたいする哀惜で満ちあふれている。すでにサント・コロンブという音楽家を主人公にすることがそうなのだ。よほどのパロック通でないかぎり、この音楽家の名前は初耳だろう。生没年ですら、一七〇〇年前後に死んだことくらいしか明らかになっていない。あるいは、一時期は隆盛をきわめ、だがまるでルイ十四世の親政と軌を一にするように廃れていったヴィオール(ヴィオラ・ダ・ガンバ)という楽器。隠士{ソリテール}と呼ばれるジャンセニストたちが本拠地にし、やはりルイ十四世によってつぶされたシュブルーズのポール・ロワイヤル修道院、パリのサン=ドミニク=ダンフェール通りにあった彼らの私塾{プティット・エコール}、同時代のプッサンやシャンパーニュに比ぺればほとんど匿名の画家と言ってもいいボージャンのゴーフレット・・・・・・。この小説に登場する人物はみな隠士だ。歴史の永遠の隠士たちだ。そして、大きな歴史の流れを前にしたとき、多かれ少なかれ誰もが隠士なのだという思いを禁じることができない。

だが、問題はその隠士たちをのみこんでいった大きな歴史のうねりだ。中世からルネッサンス、そしてバロックの到来とその終焉。この作品の背後に流れているのはそのうねりだ。おそらくバロックはルネッサンスの光輝に照らされながらも、中世の艶やかな闇の記憶をその内部に湛えていたのだろう。ミシュレは『魔女』のなかの「サタンは十七世紀に勝関をあげる」と題された章でこう言っている。

「この世紀の表面、すなわちその最上層が文明化し、啓蒙され、知識という光明にあふれればあふれるほど、その下では、聖職者の世界や尼僧院や、信じやすく、病気がちで、何でもすぐ信じてしまう女たちの世界の宏大な領域がますます固く閉ざされたのである」(篠田浩一郎訳)

このミシュレの言菓は、一口にバロックといってもその内部にほとんど相反する傾向、すなわち大きな空間を志向する傾向と閉ざされた親密な空間を志向する傾向をはらんでいるこの様式にそのまま当てはまるように思える。たとえばイタリアで発展したオペラはもちろんのこと、J.S・バッハのあの荘厳な「マタイ受難曲」やリュリの華麗な宮廷音楽が一方にあり、他方にはまるで人の声や肌のぬくもりを再現しているかのような大小さまざまの器楽曲もある。また、ローマのバロック建築のように、遠近法の濫用とも思をる、ただやみくもに巨大化した恐竜のような空問と天井画があるかと思えば、スペインの静物画{ボデゴン}やフェルメールに代表されるオランダの室内画、ジョルジュ・ド・ラ・トゥールのあの冷たい蝋燭の光、そのすべてに共通する稠密なマチェールの肌あいもある。

そのコントラストは、王国の地図を拡大しようとする国家の動きと歩調を合わせたカトリック=イエズス会の世界的布教活動と宗教の大衆化、そしてこれに結果として弓を引くことになったジャンセニストの純粋主義、ひいては選良主義{エリテイスム}との対立にもつながるだろう。ミシュレふうに言えば、そこにあるのは理性という名のサタンの呼び声にたいする洸惚と不安のせめぎあいだったのかもしれない。

だが、このフランスの十七世紀という時代はもう少し厳密に考えたほうがよさそうである。ルイ十四世が王位につくのが一六四三年、その親政が始まるのが六一年。このあたりから時代は急回転していく。ロベール・マンドルーは『フランス文化史』のなかで、近代フランスが〈つくられた〉一六〇〇〜六〇年代を「青春時代」と呼び、「この時代は、それが体験したさまざまの社会的・宗教的ドラマ(これは成長途上の危機であった)のなかで、おそろしく自信にあふれていた。あらゆる点で、この時期こそ、もっとも豊かな、もっとも生きいきとした十七世紀なのである」(前川貞次郎・鳴岩宗三訳)と述べている。この小説は一六五〇年にサント・コロンブ夫人が亡くなるところから始まっている。つまり、物語はこのフランスの青春時代が終わりを告げようとしているところから始まっているのだ。そしてまた著者は音楽家の妻の死と迫りくるバロックの終焉をも重ね合わせたかったにちがいない。

なにゆえサント・コロンブはヴェルサイユをあれほどまで頑なに拒否したのか。作家の想像力によれば、彼はポール・ロワイヤルの指導者A・アルノーとともにあの画期的な『文法』を著したクロート・ランスロと学友だったことになっている。だが、作品をていねいに読めばわかるように、彼は狂信的なジャンセニストとしては描かれていない。ただ、リベルタン気質のゆえにルイ十三世の寵愛を失う詩人のヴォークラン・デ・イヴトー(一五六七〜一六四九)や画家組合に属する市井の一画家にすぎないボージャン(生没年未詳)なと、彼の交友範囲は権力から遠い場所に限られていることが暗示されているだけだ。マドレーヌにしても、失恋によって一種狂信的にはなるが、修道院の禁域に入ることは拒否する。この親子はどこからも孤立している。あえて自らを閉ざしていく。いつの時代ても、歴史の流れか急速に変化してゆくとき、無謀なまで過激にその流れに抵抗を示すか、あるいは頑なに自閉していく人々があるのだろうが、この時代に即して言うならば、このような頑なさ、純粋さへの傾斜は、やはりあのプレーズ・パスカルを防彿とさせずにはおかない。

一六五四年十一月、三十一歳のパスカルはある啓示を受け、これによって彼はそれまでの科学的業績のすべてを捨て、ポール・ロワイヤルの門下に入っていったとされている。その夜、彼は〈覚え書{メモリアル}〉と呼ばれているメモに「心地よい全面的な抛棄」(松波信三郎訳)と書き記す。そして、アルノーが書いた『頻繁なる聖体拝受』をめぐるイエズス会およびソルボンヌとの論戦を引き継ぐかたちでジャンセニスム擁渡の先頭に立ち、『田舎の友への手紙{プロヴァンシアル}』と呼ばれる一連の書簡体の抗議書を書き始めることになる。さらにその矛先はあのデカルトにさえ向けられ、「無用にして不確実」とさえ記す。

パスカルに何が起こったのか。ここはそれを論ずる場所ではないし、私にはその能力もない。ただ、イエズス会とソルボンヌは、あれほど世間に波風を立てるのを避けようとしたデカルトにたいしてさえ、彼が死ぬと(一六五〇)、にわかにその学派への攻撃を強めていったことはつけ加えておく必要があるだろう。ようするに、フランスとブルボン王朝の名のもとにすべてが一元化され、統合されてゆく時代だったのだ。ヨーロッパ芸術の流れもその後は周知のとおり、ダヴィットからドラクロワヘ、ハイドン、モーツァルトからベートーヴェンヘ、古典主義からロマン主義への大きな潮流があらゆる小さな芸術を呑みこんでいった。壮大な歴史画やシンフォニーは近代国家の強力な軍隊と同じだ。すべての感受性を根こそぎ動員し、圧倒してしまう。この近代国家、民族主義的・産業主義的国家の成立という観点に立てば、ルイ十四世からロベスピエール、ナポレオンヘと続く時代は一貫した流れであって、フランス革命はその大騒乱のなかの打ち上げ花火にすぎなかった。まだ中世の穏やかなたたずまいを残す無数の小さな朝や、リベルタンやコスモポリタンが旅の空にみた朝は巨大国家のサイレンにかき消されていった。それはけっしてヨーロッパだけに限られた遠い昔話ではないだろう。

しかし、歴史の大きな流れとは別に、バロックの時代は永遠に和解できないある対立をはらんでいたように思える。

たとえばデカルトとパスカルの時代から三世紀もたって、「この無限の宇宙の永遠の沈黙が私をおののかせる」という『パンセ』の断章にたいして、「犬のように吠える」と、パスカルを椰楡したポール・ヴァレリー。宇宙を無限と感じたとき、それに洸惚を感ずるか。それとも慄きを感じ、自らを罪深いと感じるか。それは今でも感受性と思想のありかたをめぐる大きな根本的な対立であるように思える。

あるいはマチスをとりあげてみてもいい。バロックを嫌い、あのベラスケスさえも「私の画家ではない」と言い、むしろゴヤ(!)への親愛を語ったマチス。好んで部屋の隅を描いたマチス。その空間はどこにも広がらない。ただ、確実な色彩の安堵があるだけだ。ポージャンの絵も不思議だ。この世の快楽のはかなさを暗示したこの絵の構図は、それにしてもなぜ机の片隅なのか。そして、ヴィオールという楽器にたおやかな肉声だけを求め、ただ哀惜の情を密かせようとしたサント・コロンブ・・・・・・。

そこには美が祈りの世界に通じてゆく、細くきわどい道があるように思える。パスカル・キニャールは画家ボージャンにこう語らせる。
「私としては、あの神秘の炎にまでたどりつく道を探しているのだがね」。これはジョルジュ・ド・ラ・トゥールを愛する著者自らの言葉でもあるだろう。

(作品と時代背景−−初版あとがきより)

 

音楽の本質を考えつづけているフランスの小説家パスカル・キニャール氏はこのように述べている。

 

神は目に見えないが、耳には聞こえる。雷鳴に、早瀬に、群雲に、海に姿を変えて。それは声のようだ。弓は距離と不可視と大気のなかで、ある言葉の形をまとう。声とはまず、道具が音楽のために、狩猟のために、戦争のために分割され、編成される以前の震える弦の声なのだ。

(『音楽への憎しみ』高橋啓訳、青土社)

 

この作家が、日本の『今昔物語』の@蝉丸{せみまる}の話(巻二十四ー二十三「@源博雅朝臣行会坂盲許語{みなもとのひろまさあそんあうさかのめしひのもとにゆくこと}」をフランスの中世に舞台を移し替え、『めぐり逢う朝』という小説を書いていることも、日本人である私にとっては興味深い。これは映画化されていて、この映画の方を私はまず見たのだったが、そのときたまたま同行していたのが、『今昔物語』をフランス語に翻訳したベルナール・フランク氏で、これはあの蝉丸の話ですね、と彼がうれしそうに私に告げたのだった。早速、フランク氏邸に戻ってから調べてみると、なるほど、この映画は蝉丸の話とそっくり同じ内容なのだった。

(「音の魔力」−−津島佑子氏の最後のエッセイ集『夢の歌から』所収)

 

 

バッハは失敗した。かれはしばらくわすれられていた。音楽はかれの方向にすすまなかった。いまみんながかれの音楽にあたらしい意味を見つけようとしているのは、音楽が変わりつつあるからなのだ。音楽は抽象的だから、ある方向にゆきすぎて、全体からきりはなされてしまうこともある。ヨーロッパの音楽は極度に発展し、いまや方向を変えるときがきた、スタイルは時代に対応するが、まだ生きているものはスタイルの下にある。これが質であり、態度である。
(「失敗者としてのバッハ」−−音楽家・高橋悠治氏の初期のエッセイ集『音楽の教え』所収)

 

 

そして、四半世紀の歳月が流れた。そう書けば長いが、たった一日しか経っていないようにも思える。この間、「私が書くのは黙っていたいから」(『小論集』第一巻、第五考「黙っていたい」)と書いたパスカル・キニャールも様々な箇所でみずからを語るようになった。その一部をここに引用しておこう。

 

−−大学の勉強はどこでなさったのですか?

−−ナンテール大学(パリ第十大学)です。エマニュエル・レヴィナスの指導のもとに論文を書くことになっていました。論文のテーマは「アンリ・ベルクソンの思想における言語機能の様態」、このテーマも彼が考えたものでした。

−−それでエマニュエル・レヴィナスの指導のもとにそれを書き上げたのですか?

−−まさか。

−−でも書きはじめたのでしょう?

−−いいえ。エマニュエル・レヴィナスと私のあいだにあった絆は論文執筆などよりずっと深いものでした。一九六八年の三月、四月、五月〔ナンテールでの大学紛争を機に広がった広範な政治運動。「五月危機」あるいは「五月革命」とも呼ばれる〕が教職に進む気持ちを完全に吹き飛ばしてしまったのです。私は、アンスニ〔ロワール河のほとりの小さな村〕の教会の専属オルガニストになろうと決意しました。ちょうど大伯母が死んだばかりで空席になっていたので。

(『隠士パスカル・キニャール』Pascal Quignard le solitaire, éd. Flohic, 2001)

 

この「五月革命」がパスカル・キニャールに与えた傷は深刻なものだった。パリに出てから、布、木版、キャンバス、クラフト紙、ガラス、ありとあらゆる素材にかきつけた千枚を超える造形作品をすべて燃やしてしまっただけでなく、アンスニの家のオルガンやピアノを前にして作曲したソナタや三重奏の小品、あるいはその家で書いた短い物語や自伝的告白を書き綴った手帳もまた燃やしてしまうのである。

そして、アンスニの教会にこもってオルガンの演奏に没頭する。午前中はオルガン、午後からはモーリス・セーヴ〔ルネッサンス期のリヨン派の詩人。「デリー」という難解な詩で知られている〕について、まるで遺書のように書きはじめる。書き上げた原稿を、特定の宛名もなしにガリマール社に郵便で送りつけた。この論考に着目したのが、当時ガリマール社で原稿審査委員をつとめていたルイ=ルネ・デ・フォレだった。そして、キニャールを再びパリに呼び寄せ、まだ二十歳を超えたばかりの青年を自分と同じ原稿審査委員の職に就かせ、自分が主宰していた「蜻蛉{エフェメール}」という名の同人誌のメンバーに紹介する。同人には、ミシェル・レリス、パウル・ツェラン、アンドレ・デュ・ブーシュ、イヴ・ボヌフォワ、アンリ・ミショー、ピエール・クロソウスキーなど、錚々たる詩人、作家が集っていた。彼は作家として恵まれた第一歩を踏み出したということか? 続けて次のような文章を読んでもらいたい。

 

五月の運動は数時間で蹴散らされた。ド・ゴール将軍は、マシュ将軍の助言を得て〔総選挙で勝利し〕、ペタン元帥以来もっとも反動的な国民議会が成立する。警察のトップにはマルセラン〔内務大臣〕、軍のトップにはメスメールが就いた。ムルロワの海で続けざまに原子爆弾の実験がおこなわれた。

われわれの神々は突如として死にはじめた。
ツェランが自殺した。それを私に教えてくれたのはサラだった。アンドレ・デュ・ブーシュのアパルトマンの戸口に立っていた。

ロスコが自殺した。それを私に教えてくれたのはラケルだった。場所はマラコフのアトリエだった。[… …]

冒険の森のなかには、泉も、空き地も、白い鹿も、馬車も、槍も、王妃の姿もなかった。あったのはただ、消沈{デプレッシオン}、消沈、消沈、消沈。
(『エフェメールの作品集』しおり。Ecrits de l’éphémère, “Prière d’insérer”, éd. Galilée, 2005)

 

フランスの「戦後」がここで終わったと言っているのである。フランスの十七世紀を見つめる視線がここにもある。帝政ローマを見る視線も同じである。

そして二十四年後の一九九四年、彼は長らく勤めたガリマール社を突然辞めてしまう。家族とも別れてしまう。まるですべてを燃やしてしまうかのように。彼はこんなふうに語っている。

 

自分のあとには何も残さないという考えに私は取り憑かれているのです−−たしかに書物を公刊するということとは明らかに矛盾するのですが。やってきたときと同じように裸で去っていくことが夢なのです。〔中略〕原稿、手紙、写真、本、楽譜、素描、記事のすべてがたちまち炎につつまれる。あなたが何かを燃やすとき、それはじつに美しい。司教のレミはクローヴィスに向かってこう言った。Incede quod adorasti. じつに奇妙な命令です。司教はフランスの最初の王に向かって、こう言ったのです。おまえの愛するものを燃やせ、と。

(『隠士パスカル・キニャール』)

去年の十月、パリのマナン通りにあるパスカル・キニャールのアパルトマンを訪れたときのこと。書斎に入ると、キーボードの譜面台に置いてある楽譜が目に入った。Messiaen, Beethoven, Oiseaux(鳥)の文字が見えた。「何ですかこれは?」と思わず訊いた。「二つの主題をミックスしてるんだ」「メシアンとベートーベンをですか?」「うん」

福島の友の遺品のなかに段ボール一箱分のレコードがあった。そのなかにメシアンのアルバムがあった。「この世の終わりのための四重奏曲」。私はそれを持ち帰った。爾来四十年、その上に針を落としたことはない。

別れ際に、パスカル・キニャールに言った。「僕はたくさんの友を失った。だから、自分だけは生き延びようと思っている」と。「おれも同じだよ」と彼は答えた。玄関ホールには彼の友が描いた絵が掛かっていた。

以下に日本で翻訳されたキニャール作品(絶版も含む。翻訳者名のないものは拙訳)を列挙しておく。

 

・めぐり逢う朝(早川書房、一九九二年)

・音楽のレッスン(吉田加南子訳、河出書房新社、一九九三年)

・ヴュルテンベルクのサロン(早川書房、一九九三年)

・シャンボールの階段(早川書房、一九九四年)

・アルブキウス(青土社、一九九五年)

・アメリカの贈り物(早川書房、一九九六年)

・音楽への憎しみ(青土社、一九九七年)

・舌の先まで出かかった名前(青土社、一九九八年)

・辺境の館(青土社、一九九九年)

・アプロネニア・アウィティアの柘植の板(青土社、二〇〇〇年)

・ローマのテラス(青土社、二〇〇一年)

・さまよえる影(青土社、二〇〇三年)

・アマリアの別荘(青土社、二〇一〇年)

・いにしえの光(小川美登里訳、水声社、二〇一六年)

・約束のない絆(博多かおる訳、水声社、二〇一六年)

・さまよえる影たち(小川美登里、桑田光平訳、二〇一七年)

・『小論集』(仮題 Petits traités 、インスクリプトから刊行予定)

 

最後にあらためて、本書の制作過程で万端お世話になった伽鹿舎の加地葉さんに感謝申し上げると同時に、この作品の翻訳にかけた思いをあの激震の犠牲になった人々、そしてそこから奇跡的に立ち直ろうとしている熊本のみなさんに捧げたい。

 

二〇一七年一月
訳者